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Jean Paul Pougala : « Il y a 11 ans… j’écrivais : LA CHINE ET LA RUSSIE, LES MEILLEURES ALLIÉES STRATÉGIQUES DE L’AFRIQUE »

Voici ce que j''en écrivais, en 2011, il y a 11 ans et qui me valait, de la part de mes détracteurs, le titre de "Espion de la Chine". C'est devenu le chapitre 9 du tome-1 du livre "géostratégie Africaine" Pages 52-64

 

Jean Paul Pougala au campus de l’Université de la Diplomatie de Genève (GSD)

PREMIERE PARTIE : LA CHINE

Les 12 derniers mois ont été très intenses sur le continent africain avec d’importantes élections qui ont suscité beaucoup d’intérêt, même hors d’Afrique, parce que l’issue de chacune d’elle marquait les nouvelles frontières de partage des zones d’influence qui sont en train d’être renégociées entre les anciens maîtres du monde, l’Occident et le nouveau, la Chine. En paraphrasant un classement qu’on a vu en Ukraine, on peut dire qu’en Côte d’Ivoire, en Zambie ou au Libéria, ce sont les pro-occidentaux qui ont gagné la partie. Au Cameroun ou République Démocratique du Congo, ce sont les pro-Chine qui ont gagné.

Depuis les indépendances africaines, il y a environ 50 ans, dans la logique de la guerre froide, les pays africains étaient tous sous l’une des deux bannières : pro-occidentaux ou pro-Union Soviétique. À la chute du mur de Berlin en 1989 et suite à la conséquente fin de la période de la guerre froide, toute l’Afrique était devenue, de gré ou de force, pro-occidentale. Le tandem Fonds Monétaire International et Banque Mondiale avait de fait pris le pouvoir en Afrique, décidant de tout ou partie de la politique économique, financière, sociale et même juridique de bon nombre de pays africains. Après 20-30 ans de ce pouvoir en Afrique, il n’existe à ce jour aucun pays ayant réussi à sortir de la misère grâce à ces recettes venues tout droit de Washington.

Ce qui a amené certains pays à entrer en dissidence, à entrer en rébellion contre ce pouvoir ultralibéral FMI-BANQUE MONDIALE. Si ces pays dissidents étaient amenés à échouer, le chapeau ne serait porté que par le dirigeant africain rebaptisé pour la circonstance en “dictateur africain” afin de détourner l’attention de la vraie paternité de l’échec : l’ultralibéralisme occidental. Cette tragi-comédie continue de nos jours, puisque ce sont ces mêmes recettes qu’on prescrit aujourd’hui à la Grèce, au Portugal et à l’Italie et qui ont toutes échoué il y a 20 ans en Afrique.

Ces dissidents africains ont regardé ailleurs vers l’orient, vers la Chine. Ils ne sont pas très nombreux, parce qu’il fallait du courage pour braver les pressions occidentales, lorsque cela ne se terminait pas par des coups d’État bien pilotés par l’entremise de rebelles qui n’ont jamais expliqué comment, et par qui ils avaient été financés.

Et c’est dans ce contexte que s’inscrivent désormais tous les rendez-vous électoraux sur le continent africain, où le seul vrai projet de société est de savoir si le pays se contentera du statu quo habituel avec le niveau de misère que l’on connaît depuis 50 ans au service de l’Occident ou alors s’il exécutera un saut dans le vide en choisissant la Chine, afin d’émerger avec elle, sans savoir où l’on va atterrir.

Aujourd’hui, je vais examiner deux pays africains qui ont fait 2 choix opposés, l’un étant la Côte d’Ivoire, qui a choisi de rester comme avant, sous la tutelle de l’Occident et l’autre, le Cameroun, qui a choisi de se jeter dans le vide avec la Chine. Lequel des 2 pays a fait le bon choix ?

Pour répondre à cette question, je me garderai bien de donner des jugements de valeur sur une élection ou sur une autre. Je ne vais pas refaire l’histoire ici. Mais il me plaît de revoir les événements sous la loupe purement géostratégique.

Le Cameroun et la Côte d’Ivoire sont deux pays africains qui ont récemment connu des élections, et le point commun des deux élections c’est que les deux géants mondiaux, la Chine et l’Occident avaient fait leur choix et apporté leur soutien. En Côte d’Ivoire, on peut être d’accord ou non sur les méthodes utilisées, mais chaque contemporain a pu assister en direct à l’intronisation par la France et les États-Unis d’une administration africaine. Il n’est donc pas erroné d’affirmer que le pouvoir en place est pro-occidental.

Au Cameroun, Paul Biya a été le chouchou de Pékin, cette ville étant devenue au cours des années la seule destination officielle hors des frontières camerounaises de Biya. Lors du dernier congrès de son parti, le RDPC, l’UMP de Sarkozy n’était pas invité, comme d’habitude. À sa place, c’est le Parti communiste chinois qui a été convié et désigné comme le “meilleur parti ami” du Cameroun. Et que dire du fait que les résultats des élections présidentielles au Cameroun ont été rendus publics à Pékin 4 heures avant la proclamation par la Cour Suprême du Cameroun ?

Ce qui nous amène à dire sans nous tromper que le positionnement du Cameroun est pro-Chine. Fut-ce la décision conjointe de Pékin et Yaoundé de choisir la date du 8/10/2011, un jour seulement avant les élections un simple hasard, afin de célébrer la pose de la première pierre du chantier naval du port en eau profonde de Kribi avec une première enveloppe de 1 milliard de dollars versés par la Chine ? N’était-ce pas un vrai défi lancé aux Occidentaux qui eux sont dans une profonde crise financière ? Dans tous les cas, l’électorat camerounais a approuvé ce choix de ses dirigeants, le lendemain dans les urnes, en élisant Biya à 78% des suffrages. En comparaison, on est très loin de la gestion calamiteuse des Occidentaux de la situation ivoirienne quelques mois auparavant.

A- Cameroun et Côte d’Ivoire, Qui a eu raison de son choix ?

S’il est encore trop tôt pour parler du Cameroun, on peut déjà tirer les premières conclusions sur la Côte d’Ivoire et constater que la situation aujourd’hui est de loin pire que celle qui prévalait durant la crise sous Laurent Gbagbo. Le FMI vient d’avancer un chiffre de -7,5 % de croissance du pays pour l’année 2011 faisant ainsi de la Côte d’Ivoire le seul pays en récession de tout le continent africain, c’est-à-dire encore moins bon que la Somalie, où même sans gouvernement stable, il y aura eu 1% de croissance en 2011, c’est-à-dire une croissance somme toute positive.

Les mêmes sources nous font état des contre-performances de toute l’économie ivoirienne où l’État doit aux entreprises la rondelette somme de 900 milliards de FCFA. Et la totalité du budget 2012 à peine voté ne pourra être financée que de l’étranger.

Prenons au hasard une date commune dans les 2 pays, celle d’hier du 23 novembre 2011. L’actualité principale en Côte d’Ivoire est la suivante : le porte-parole du président de la Commission européenne, José Manuel Durao Barroso, nous annonce qu’Alassane Drame Ouattara se trouve à Bruxelles où il va rencontrer dans la journée Karel de Gucht, commissaire européen chargé du Commerce, pour parler des exportations du cacao ivoirien vers les pays de l’Union européenne.

Au même moment, au Cameroun, c’est Martin Yankwa, Inspecteur général du ministère camerounais de l’Industrie, des Mines et du Développement technologique qui nous annonce la signature d’un accord pour la création d’une usine, la SITRACO, d’une valeur de 1,6 milliard de FCFA pour la transformation à Douala de 40% du coton camerounais pour alimenter les nombreux hôpitaux que la Chine construit un peu partout au Cameroun, avec des consommables comme les compresses médicales et des rouleaux de gaze hydrophile de coton.

Dans le premier cas, il s’agit de la énième visite en Occident de Ouattara depuis sa prise de pouvoir au mois de mai 2011 dernier. La première visite était le 26 mai 2011 au sommet du G8 à Deauville en France, où son ami Sarkozy, président de la France, l’a présenté comme un trophée.

Ce dernier avait une grande envie de célébrer la victoire militaire de sa présidence, mais avait oublié d’informer son protégé, Ouattara, que lui-même se trouvait en pleine tempête financière avec les 3 principales banques qui venaient de perdre en bourse près de 40% de leur valeur, ce qui atteindra très vite les jours suivants, 65% pour la plus grande. Il s’est rendu le 27 juillet 2011 à Washington pour aller quémander de l’argent, mais ici aussi, Obama était en pleine querelle avec la nouvelle majorité républicaine au Congrès qui ne voulait pas lui octroyer une rallonge pour de nouvelles dettes. D’ailleurs, les photos prises à la Maison-Blanche lors de la rencontre entre Ouattara et Obama donnent l’amère impression de se trouver à une cérémonie de funérailles.

B- Comment déchiffrer ces 2 événements ?

1- EN COTE D’IVOIRE

La démarche ivoirienne est erronée. À mon avis, le cacao et le café, comme la malaria, doivent tout simplement être éradiqués du continent africain. C’est la seule façon de mettre fin à la sombre époque de la soumission coloniale, donc économique, avec par exemple la culture de certaines plantes que les principaux journaux financiers en Occident continuent de classer en cette fin de l’année 2011 comme “produits coloniaux”. Plus de 50 ans après l’indépendance, ce n’est pas normal qu’un dirigeant africain se rende en Europe pour négocier en faveur d’un produit colonial, c’est-à-dire pour continuer volontairement à cultiver ce produit qui correspond à la vision et aux intérêts européens de cette Afrique colonisée.

C’est une faute politique, historique et surtout, économique, car aucun pays au monde ne s’est jamais enrichi en continuant la production d’un produit colonial. Même le Brésil a renoncé à sa place de premier producteur mondial de café pour passer à la production de la viande qu’elle exporte désormais vers l’Europe. Cela est 100 fois plus rentable et sa production est hebdomadaire et non plus annuelle comme le café.

En d’autres termes, la Côte d’Ivoire doit se spécialiser en “intelligence” pour compter et pour commander en Afrique et ne pas retourner vers les sombres heures des travaux champêtres de la période coloniale, aux heures du travail manuel où il faut remettre le vieux tablier de domestique et reprendre, comme le veut le maître européen, sa place dans les plantations de cacao et de café des pays tropicaux.

2- AU CAMEROUN

La démarche camerounaise est à encourager, parce que la décision de créer une usine de transformation du coton camerounais présente 2 avantages : d’abord parce que la vraie plus-value d’un produit agricole réside dans sa transformation en produit fini, ensuite parce que satisfaire un besoin national permet de dynamiser une demande locale et de mettre sur pied le cercle vertueux de la création de richesse. Il est prévu que dans les 10 prochaines années le Cameroun passe de pays exportateur à pays importateur de coton pour satisfaire la demande des hôpitaux camerounais et indirectement la demande des Africains.

Ce que les dirigeants camerounais ont compris, c’est la leçon même de Laurent Gbagbo c’est-à-dire que désormais c’est en Afrique même qu’il faut aller chercher l’argent. La Sitraco est l’arbre qui cache la forêt du vaste projet de développement du business de la santé au Cameroun pour attirer les malades non plus uniquement des pays voisins, mais venant de beaucoup plus loin. À travers ses hôpitaux, le Cameroun veut récupérer le très lucratif pactole des exils médicaux vers la France depuis les pays d’Afrique francophone, notamment pour des spécialités bien précises telles la cardiologie, la neurochirurgie ou l’ophtalmologie. Selon les incroyables chiffres fournis par Bedouma Alain Yoda, ministre burkinabé de la Santé, le gouvernement d’un petit pays comme le Burkina Faso règle à la France la facture pour exiler une cinquantaine de patients par an la bagatelle de 900 millions de FCFA (1,372 million d’euros) chaque année. Cette information a été rendue publique par le quotidien burkinabé “LE PAYS” dans son édition du 19 septembre 2007. Yaoundé veut une partie de ce gâteau. L’histoire ne nous dit pas si Paris est content de l’activisme de ce nouveau concurrent inattendu.

Un autre domaine dans lequel les dirigeants de Yaoundé cherchent des palabres avec la France de Sarkozy est celui de la formation. On peut facilement imaginer la scène à l’intérieur du Palais d’Etoudi (demeure du Président camerounais) où son hôte prend un stylo et sa calculatrice pour voir combien l’Europe encaisse chaque année des étudiants africains qui y affluent. Un vrai magot ! Se sera-t-il exprimé ? Et toutes les réflexions successives ont dû être sur le fait de savoir comment intercepter une partie de cette somme. Les universités publiques et privées sont en train de sortir de terre comme des champignons avec des cités universitaires et son lot de chantiers chinois pour livrer les œuvres dans les plus brefs délais afin non seulement d’éviter que les Camerounais ne quittent le pays, mais aussi pour attirer les autres étudiants africains qu’ils soient francophones ou anglophones, profitant au passage de sa position privilégiée d’être le seul pays bilingue français/anglais du continent africain. Alors que l’hôte de l’Élysée (demeure du président français) compte sur la stigmatisation de ces étudiants africains pour remonter dans les sondages, on peut parier que lui enlever un tel alibi sera vécu comme un crime. Déjà, depuis le mois de mai 2011, un décret intime à ces étudiants africains de laisser la France le lendemain de leur soutenance de thèse.

C- Que faire lorsqu’on s’est trompé dans le choix des alliances ?

Aujourd’hui, le développement de l’Afrique est une question de choix décisif dans le positionnement géostratégique de chaque pays. L’alliance avec l’Occident sur le point de déposer le bilan me semble un choix suicidaire parce que le résultat est connu d’avance : misère garantie comme plat de résistance et dettes comme dessert. Le Guide libyen Kadhafi est l’exemple de ce choix suicidaire. Il avait opté pour l’alliance avec l’Occident, en snobant tout autant la Chine que la Russie et en mettant ses services secrets sous le contrôle de la CIA dès 2006. Ce qui lui sera fatal, puisque ce sont ces derniers devenus américains qui seront responsables de l’insécurité du sol libyen pour lui. Dans la nature, les femelles cherchent les mâles jeunes et forts pour s’accoupler, assurer la descendance et garantir l’avenir. Parce que les mâles vieux sont trop faibles et souvent aigris. Ils génèrent d’autres faiblesses qui ne garantissent pas la survie de l’espèce et ne lui assurent pas un bon avenir.

En ce moment, l’Occident est cet animal devenu vieux et faible. Et pour cette raison, il devient plus dangereux pour lui-même et pour ses alliés. Sa faiblesse le rend aigri. Un jour arrivera où ils comprendront que leur trophée de la « victoire ivoirienne » n’était qu’une pure illusion qui ne leur permettra pas de se sauver de leur profonde crise financière et sociétale. Du coup, ils comprendront aussi qu’ils n’auront plus besoin de Ouattara. Ce jour-là, il sera très vite rebaptisé en “dictateur africain” et on n’a pas besoin d’être un magicien pour prédire que ce jour-là, des ONG prétendument expertes de l’Afrique sortiront de partout pour nous expliquer comment il est méchant et s’enrichit sur le dos du peuple.

On trouvera très vite un autre Africain pour le remplacer et ce jour-là, nous serons présents pour le soutenir avec toutes nos forces, exactement comme nous l’avons fait pour son prédécesseur, exactement comme nous l’avons fait pour le Guide libyen, Kadhafi. Parce que la tradition africaine veut que nous n’abandonnions jamais les nôtres, quoi qu’ils aient fait dès lors qu’ils sont en mauvaise posture avec nos bourreaux de toujours. Nicolas Machiavel (1469-1527) ne dit-il pas que

“Pour prévoir l’avenir, il faut connaître le passé, car les événements de ce monde ont en tout temps des liens aux temps qui les ont précédés. Créés par les hommes animés des mêmes passions, ces événements doivent nécessairement avoir les mêmes résultats”.

Combien serons-nous pour répondre présent au soutien de Ouattara lorsque son heure de disgrâce sera arrivée ? Qu’est-ce que l’histoire retiendra de lui au-delà de la page peu glorieuse qu’il a écrite avec sa fameuse “Communauté internationale” ? Lui seul et son équipe pourront répondre à ces questions, à travers les actes et les décisions qu’ils pourront prendre en utilisant leur cerveau et en n’insistant pas avec des recettes qui ont démontré leurs limites. Le plus grave n’est pas de commettre des erreurs, mais de persister dans l’erreur. Et le geste le plus sage à mes yeux est celui d’avoir le courage et la force d’aller contre ceux qui l’ont mis au pouvoir et de libérer son frère Laurent Gbagbo. Il sortirait alors ainsi de “l’Afrique de la traîtrise et des sous-préfets” pour entrer dans l’Afrique du courage et de la défense de la dignité humaine.

Nous sommes différents des Européens. Pour construire l’Union européenne, ils ont eu recours à un catalogue de conditions devant être toutes satisfaites avant d’entrer dans l’Union. Des pays comme la Turquie n’ont toujours pas réussi à satisfaire à ces conditions depuis 1963. En Afrique, nous privilégions d’autres valeurs que celle de l’argent. C’est pour cela qu’il n’y a jamais eu un quelconque catalogue de conditions pour adhérer à l’OUA hier ou à l’UA aujourd’hui. Pas plus qu’il n’y en aura demain pour les États-Unis d’Afrique en construction. Ce qui nous unit est avant tout un idéal, celui de soustraire l’Africain de l’esclavage européen, à travers la lutte contre l’humiliation que l’Occident continue à nous infliger depuis 5 siècles.

Le Tribunal Pénal International (TPI) n’est-il pas la preuve évidente de cet acharnement contre la dignité humaine en Afrique ? Sinon, comment expliquer qu’avec les 3 millions de morts au Cambodge du génocide perpétré par les ‘Khmers rouge’, le tribunal spécial se passe en terre cambodgienne pour juger ses auteurs 30 ans après les faits, alors que pour l’Afrique, le TPI devient l’énième instrument de domination et de xénophobie? Le dénominateur commun du peuple africain est l’anticolonialisme. C’était même le fondement de l’OUA. Et nous ne pourrons pas construire les États-Unis d’Afrique sans associer tout le monde, sans prendre conscience de la capacité de nuisance de ceux qui veulent nous diviser jusqu’à chasser nos chefs d’État du pouvoir, jusqu’à tuer nos présidents. Nous sommes très indignés de ces actes de barbarie et si ceux qui ont le pouvoir en Afrique n’ont pas conscience de cela, nous devons être doublement indignés.

D- Conclusion

Le déclin de l’Occident est paradoxalement une chance pour l’Afrique, à condition que nous soyons conscients de l’importance de la place que nous pouvons occuper dans cette nouvelle ère avec la redistribution des places. L’Occident ne peut pas nous aider parce qu’il ne peut pas s’aider lui-même. Obama a visité le Ghana et présenté ce pays comme la vitrine d’un allié de l’Occident qui réussit. Or la vérité est plus amère : pour assurer sa croissance, le Ghana s’est tourné vers la Chine et a reçu 10 milliards de dollars américains, montant qu’aucun pays occidental ne pouvait lui offrir. Hier 23 novembre 2011, pour la première fois, même l’Allemagne, le pays européen le plus vertueux, n’a pas pu emprunter d’argent sur les marchés, leurs propres opérateurs étant les premiers à parier sur leur chute inexorable.

Le XXIème siècle sera marqué par la fin des États-Nations et le triomphe des ETATS-CONTINENT. Je ne me réjouirai pas du début de la prospérité de mon pays, le Cameroun, tant que l’économie d’un autre pays africain comme la Côte d’Ivoire sera en berne. Parce que la Côte d’Ivoire comme la Somalie, c’est aussi mon pays et le comprendre c’est avoir la force de résister à nos agresseurs et de construire la base d’une prospérité stable, continentale. Et pour le faire, nous avons besoin des alliances, nous avons besoin de compter nos amis, nos vrais amis. Pour l’instant, le meilleur ami de l’Afrique est la Chine, et nous devons tous nous indigner lorsque l’Europe va à Pékin parler de l’Afrique, parler de nous sans nous. Ne sommes-nous pas déjà sortis de l’adolescence ?

Toujours plus de chefs d’État africains seront encore humiliés, d’autres seront encore assassinés. Mais le pire qu’un Africain puisse faire c’est qu’il soit de près ou de loin complice de ces actes tous dirigés contre les nôtres, tous orientés contre nous. Parce qu’à chaque fois qu’un président africain est humilié, c’est nous tous qui sommes humiliés, et chaque chef d’État africain tué, c’est nous tous qui sommes tués. Défendre les nôtres, c’est défendre nous-mêmes aujourd’hui, c’est défendre nos enfants demain. Et identifier avec précision contre qui nous avons à nous défendre en priorité, nous aidera à mieux choisir nos alliances. À ce jour, aucun Africain n’est mort tombé sous les balles de l’armée chinoise.

Jean-Paul Pougala

Genève le 24/11/2011

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