L’Honorable Cabral Libii : « Nous devrions aussi s’approprier du savoir-faire chinois pour surpasser cet aspect du terrain d’investissement et de création de richesses par la Chine ».
De manière relative, le Député Camerounais a accordé à notre rédaction, un regard panoramique sur la coopération Chine-Cameroun.
De manière générale, quel regard faites-vous de la coopération Chine-Cameroun ?
C’est une coopération extrêmement fructueuse ! On voit que la Chine a bien compris que le Cameroun était une terre d’opportunités. Là en occurrence, on peut citer l’Usine GAODA qui travaille dans la transformation des produits de ressources du sous-sol, et il y a quelques temps encore, on parlait des gros investissements qui sont en train d’être faits à Kribi, au sud du pays dans le domaine de l’exploitation du fer. A côté de cela, les chinois sont installés au Cameroun dans d’autres secteurs tels que la technologie, le commerce, l’industrie, la langue, les bâtiments et travaux publics… Donc effectivement, la présence chinoise participe de deux choses : elle confirme que le Cameroun est en effet une terre d’opportunités et même d’attractivité dont le potentiel est effectif ; et l’autre aspect nous révèle que nous (le Cameroun) tardons nous même à prendre véritablement conscience de cela car en terme de coopération, il s’agit du donner et du recevoir.
Que voulez-vous dire lorsque vous relever que le Cameroun tarde à prendre conscience de cette coopération ?
Au-delà du fait que les chinois s’installent et créent des entreprises et des emplois qui y vont avec, les camerounais devraient apprendre le savoir-faire chinois. Nous devrions aussi s’approprier du savoir-faire chinois pour surpasser cet aspect du terrain d’investissement et de création de richesses par la Chine. Nous devrions aussi être par notre appropriation de leur savoir-faire ; de leur technologie et de leur expertise, l’expression de la coopération sud-sud : le transfert de compétence. Cet aspect qui incombe particulièrement le Cameroun, reste un sujet de réflexion.
Quelle appréciation faites-vous du nouvel immeuble siège de l’Assemblée national du Cameroun en construction par la Chine ?
Selon moi, cela explique que les relations sino-camerounaises s’inscrivent dans la durée et dans la profondeur. Acquérir une infrastructure comme celle-là qui va abriter une institution constitutionnelle qu’est l’Assemblée nationale du Cameroun, renseigne sur l’étroitesse et la densité de la coopération avec la Chine. C’est le lieu pour moi en tant que Parlementaire, de remercier la Chine puisque c’est un don, un cadeau que la Chine offre au Cameroun en signe de son amitié, de sa disponibilité et de sa disposition à se tenir toujours auprès du Cameroun. Chaque fois qu’on parlera de l’Assemblée nationale du Cameroun, on parlera de la Chine ; tout comme quand on parle du Palais des Congrès, on parle de la Chine.
Comment envisagez-vous l’amitié Chine-Cameroun dans les années à venir ?
Je vois la coopération Chine-Cameroun non pas seulement sur cinquante ans mais peut-être sur cinq cent ans. Qu’est-ce qui met fait à une coopération ? C’est l’insatisfaction, c’est la stérilité, c’est l’infertilité, c’est l’infécondité. Dans le cas spécifique avec la Chine, c’est une coopération fructueuse, féconde. Je pense qu’elle ne fait que commencer et donc une fois que les camerounais auront intégré, appris davantage de la Chine, acquis sa technologie et son savoir-faire, et que nous même, nous aurons pris notre envol, nous serons contraints par la force de chose de ne travailler qu’avec la Chine. En bref, la coopération sino-camerounaise ne fait que commencer et la Chine vous montre qu’elle est disposée à rester là autant que vous pouvez.
Etes-vous d’avis avec certaines opinions qui pensent que dans cette amitié, les intérêts de la Chine sont au-dessus de ceux du Cameroun ?
Je rappelle en passant que la relation entre Etats est une amitié d’intérêt et donc la Chine vient aussi pour les intérêts de son peuple, ce qui est tout à fait normal. Donc, le Cameroun devrait travailler dans l’intérêt de son peuple aussi. Une fois que nous aurons trouvé le point d’équilibre dans cette coopération elle sera véritablement gagnant-gagnant. Mais cela n’est pas un problème de la Chine, c’est notre problème à nous. C’est à nous de régler nos problèmes, d’assainir nos finances publiques, de soigner nos rapports avec des Etats, de dépouiller notre coopération de toutes ces pesanteurs parfois rétrogrades ou infamantes qui peut parfois surprendre ou altérer l’engouement avec lequel ceux qui viennent vers nous s’engagent. Une fois que tout cela sera fait, nous aurons trouvé un point d’équilibre tel que la coopération avec la Chine sera historique et s’inscrira sur la perpétuité.
Comment peut-on consolider cette coopération à travers la culture ?
Les échanges culturels constituent un levier important dans la promotion de l’amitié Chine-Cameroun. Ils peuvent se faire à travers le Centre culturel et artistique pour les pays de l’Afrique centrale, en construction par la Chine en République Démocratique du Congo, ou tout simplement dans le cadre de la coopération éducative, scientifique. En réalité, je rêve non plus qu’on désigne des infrastructures construites par les chinois, mais qu’on désigne des infrastructures réalisées par les camerounais avec le savoir-faire chinois. Et c’est à ce moment que nous (camerounais) serons inscrits véritablement dans la perpétuité. Sinon, tant qu’on restera à designer les infrastructures avec l’intelligence chinoise, ça ne nous avantage point. Un autre partenaire un peu plus convaincant pourra arriver du jour au lendemain et ravir la vedette à la Chine et là, on sera dans un éternel recommencement du cycle. Nous devrions en effet créer des leviers qui vont sédimenter cette coopération et c’est à ce niveau que tous ces leviers sont importants dont la culture. Je crois que l’enseignement de la langue chinoise dans les écoles camerounaises, amorce déjà un bon pan de ce levier mais j’aimerai qu’autant on forme les enseignants camerounais en Chine, qu’on transmette également en Chine, le savoir-faire camerounais aux chinois.
Entretien mené par Gérard Njoya A.