« Le consulat de Guangzhou, le premier du Cameroun sur le sol chinois, est un indicateur limpide des bonnes relations entre Yaoundé et Pékin », Dr Fabrice Onana Ntsa
1- Le Chef de l’Etat, S.E Paul Biya, a signé le 07 novembre dernier, un décret ouvrant un Consulat général du Cameroun à Guangzhou, en République populaire de Chine. Comment l’avez-vous accueilli ?
Il y’a effectivement quelques semaines le Président Paul Biya, par le biais du décret No 2024/539 du 7 Novembre 2024, officialisait l’ouverture d’un consulat à Guangzhou au sud de la Chine, couvrant les provinces du Guangdong, du Jiangxi, du Hunan et du Fujian. Nous avons naturellement accueilli la nouvelle avec un sentiment de joie et de satisfaction, non d’étonnement et de surprise. La joie et la satisfaction s’expliquent par le fait que, non seulement il s’agit d’un pas historique dans le perfectionnement de la relation bilatérale entre la Chine et le Cameroun avec une incidence méliorative dans les conditions de vie de nos compatriotes en Chine ; mais aussi parce que nos convictions se trouvent ainsi validées par cet acte diplomatique majeur : il n’y a pas de nuages dans les relations Chine-Cameroun et l’Empire du Milieu est depuis quelque temps une destination prisée par les camerounais. Pas d’étonnement et de surprise du fait qu’il fallait s’y attendre tout de même, et il faut même s’attendre à plus encore dans un avenir proche, après la remarquable présence du chef d’Etat camerounais aux dernières assises du FOCAC. Souvenons-nous aussi que ce dossier faisait l’objet d’une étude depuis 2014. C’est pourquoi avec un brin de sourire, et vous le comprendrez, nous avons pris contact avec nos amis d’ici et là-bas en Chine pour commenter et apprécier à sa juste valeur cette fleur de bonne odeur que le Président Biya et son homologue chinois viennent de faire à la coopération Chine-Cameroun.
2- L’étendue des compétences du Consulat général du Cameroun en Chine couvre quatre provinces chinoises de spécificités économiques avérées, à savoir : Guangdong, Hunan, Jiangxi et Fujian. Quelle lecture faites-vous de cela ?
L’ouverture d’un consulat de la République du Cameroun en République Populaire de Chine inspire une lecture à deux niveaux pour une meilleure perception de cet acte. Sur le plan diplomatique premièrement, il faut bien dire que le consulat de Guangzhou, le premier du Cameroun sur le sol chinois, est un indicateur limpide des bonnes relations entre Yaoundé et Pékin. Il témoigne de la volonté permanente des deux parties de renforcer continuellement la coopération entre les deux pays. Il s’agit aussi d’une marque de confiance de la Chine au regard de la sensibilité de la région que va couvrir ce consulat du Cameroun à Guangzhou. En effet, le Fujian et le Guangdong sont les deux provinces chinoises les plus proches de Taïwan. Il existe d’ailleurs un lien culturel étroit entre le Fujian et l’ile rebelle. Ainsi, l’autorisation de la création de ce consulat à Guangzhou avec compétence jusqu’au Fujian est un acte de confiance et de réelle amitié au regard de cette proximité avec Taïwan, sachant ce que cette ile représente pour la politique interne et externe de Pékin. Deuxièmement, du point de vue économique, ce consulat de Guangzhou, chef-lieu du Guangdong avec compétence sur le Jiangxi, le Hunan et le Fujian est une bouffée d’oxygène pour la diaspora camerounaise en Chine. Cette mission diplomatique apparait bien comme une facilitatrice des activités et de la vie tout-court des camerounais dans l’Empire du Milieu. Elle permettra de gagner en temps et en argent dans l’obtention des documents consulaires qui exigeait pour tous à travers la Chine, un déplacement à Pékin. Elle permettra de renforcer les relations entre nos frères et sœurs camerounais en Chine et les autorités locales chinoises d’une part et avec les autorités camerounaises d’autre part. elle permettra aussi de poursuivre le processus d’ouverture du Cameroun à la Chine et bien évidemment contribuera à étoffer qualitativement et quantitativement davantage la diaspora camerounaise en Chine. Et puisque vous avez mis l’accent sur l’aspect économique, rappelons que le choix de Guangzhou n’est pas fortuit et s’inscrit davantage dans une logique de développement du partenariat économique et commerciale entre la Chine et le Cameroun. Le Guangdong est la province la plus peuplée avec presque 127 millions d’habitants et la plus riche de Chine. Elle abrite donc logiquement le plus grand nombre de camerounais dans l’Empire du Milieu. Par ailleurs, le Jiangxi, le Hunan et le Fujian ne manquent pas d’attraits économiques pour susciter un intérêt auprès des hommes d’affaires camerounais. N’oublions pas aussi qu’une lecture doit être faite sur le plan de la politique interne du Cameroun. Cet acte est une preuve supplémentaire de la main tendue du Président Biya à l’endroit de la diaspora camerounaise de façon générale. Faciliter son apport dans la construction du pays demeure une constance pour le pouvoir de Yaoundé.
3- Le décret est signé exactement 02 mois après que le chef de l’Etat Paul Biya soit parti de Beijing, où il avait pris part au 4e Sommet du 9e Forum sur la Coopération Sino-Africaine (FOCAC) et a rencontré les camerounais de Chine et plusieurs chefs d’entreprises chinoises. Pouvons-nous dire que ce voyage d’Etat a contribué à quelque chose dans ce décret ?
Bien évidemment que ce décret est directement lié à la brillante participation du Président Biya au dernier sommet du Forum sur la Coopération Sino-Africaine. Il en est clairement un savoureux fruit. Souvenons-nous en premier regard que l’idée de l’ouverture d’un consulat camerounais en Chine a germé il y’a 10 ans. La visite d’Etat du Président camerounais en Chine en 2018 avait certainement fait avancer le dossier et la dernière rencontre Biya-Xi a visiblement permis de boucler ce projet. Le deuxième regard et vous l’avez relevé, impose de dire que le Président Biya lors de son dernier séjour pékinois, a rencontré des entrepreneurs chinois mais surtout des camerounais dont le nombre sans cesse croissant et dont la vitalité et la diversité des activités ont fini par convaincre le numéro un camerounais que seule l’ambassade à Pékin était vraiment devenue insuffisante pour une véritable optimisation et un réel épanouissement des compatriotes dans l’Empire du Milieu.
4- Comment projetez-vous la coopération sino-camerounaise avec l’ouverture de ce Consulat général ?
La création de cette mission diplomatique du Cameroun en Chine est un facteur de renforcement, de consolidation, de vitalisation de la coopération Chine-Cameroun. C’est le lieu de préciser, sous la bannière de la convention de Vienne sur les relations consulaires de 1963, qu’un poste consulaire ne peut être établi sur le territoire de l’Etat de résidence qu’avec le consentement de cet Etat. Le siège du poste consulaire, sa classe et sa circonscription consulaire sont fixés par l’Etat d’envoi et soumis à l’approbation de l’Etat de résidence. De ce point de vue, il est clair que sur le plan politico-diplomatique, les relations Chine-Cameroun sont au beau fixe et on peut s’attendre à des visites de haut niveau de part et d’autre. Pourquoi ne pas espérer que le Président Xi Jinping honore à l’invitation de visiter le Cameroun à lui faite par son homologue en septembre dernier ? Par ailleurs, l’article 5 de cette convention de Vienne énonce dans son alinéa b que le consulat favorise le développement des relations commerciales, économiques, culturelles et scientifiques entre l’Etat d’envoi et l’Etat de résidence. On va donc s’attendre à une croissance des relations commerciales entre les deux pays. On va par exemple espérer que les recettes d’exportation qui ont augmenté de 33,9% en 2023 passant de 173,2 milliards de FCFA en 2022 à 231,9 milliards puisse continuer dans cette logique ascendante pour ainsi tenter un rééquilibrage de la balance commerciale jusqu’ici déficitaire pour le Cameroun. Il faut s’attendre aussi à de nouveaux projets économiques sans oublier la dimension socio-affective qui pourrait faire appel à davantage de bourses, d’offres de formation, de festivals, dans un souci in fine de parvenir à un réel apprentissage mutuel, de promouvoir les échanges inter-civilisationnels et de participer à la construction de cette communauté de destin pour l’humanité, chère au président Xi Jinping.
Entretien mené par Gérard Njoya