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« Je suis admiratif d’un point de vue culturel sur la façon dont les équipes techniques camerounaises et chinoises se sont accommodées pour réaliser cet ouvrage futuriste », Brice Merlin Mbessa Nya, sur le nouveau Palais de l’Assemblée nationale du Cameroun

Lors de la cérémonie d’inauguration du nouveau palais de l’Assemblée nationale du Cameroun, fleuron de la coopération sino-africaine, le 30 novembre 2024, notre journaliste Gérard N. a rencontré Brice Merlin Mbessa Nya, doctorant à l’Université de Yaoundé I, Cameroun. Après une visite menée dans l’enceinte du joyau architectural, M. Nya l’a accordé une interview exclusive.

De la gauche vers la droite, Gérard N., et Brice Merlin Mbessa Nya au hall du nouveau Palais de l’Assemblée nationale du Cameroun

1- Nya, quel est votre sentiment à l’issu de cette visite que nous venons d’effectuer dans l’enceinte du nouveau palais de l’Assemblée nationale du Cameroun ?

Après avoir parcouru ce magnifique édifice, je ne peux qu’exprimer ici ma satisfaction et mon admiration face au travail qui a été fait. En effet, je me remémore cette nuit de feu du jeudi 16 novembre 2017 au cours de laquelle de nombreux dégâts matériels avaient été infligés à la partie administrative de l’ancien siège faisant des parlementaires camerounais des sans-abris circonstanciels. Mais, face à ce drame, les partenaires camerounais et chinois ont opposé détermination et abnégation afin que ce joyau architectural, symbole fort du partenariat infrastructurel sino-camerounais puisse voir le jour en si peu de temps d’une part. Et d’autre part, je suis admiratif d’un point de vue culturel sur la façon dont les équipes techniques camerounaises et chinoises se sont accommodés pour réaliser cet ouvrage futuriste, malgré la barrière de la langue et la singularité de leurs us et coutumes.

2- Quelle lecture faites-vous de ce fragment du discours du vice-président du Comité permanant de l’Assemblée populaire nationale de Chine, Zhang Qingwei lorsqu’il dit : « La partie chinoise continuera comme par le passé, de soutenir l’édification du Cameroun et travaillera avec la partie camerounaise pour le développement de cette coopération dans plusieurs domaines » ?

Vous savez, en Relations Internationales le verbe est essentiel chez les puissances du Sud Global et la Chine étant viscéralement attachée au principe de la parole donnée, tient généralement à ses engagements. Ainsi, ce haut dignitaire chinois en la personne de Zhang Qingwei a tenu à rappeler aux officiels camerounais que la Chine est un partenaire au développement, qui plus est stratégique et fiable de tous les temps du pays. Pour preuves : entre 2000 et 2021, la Chine a occupé la place de premier client du Cameroun détenant 25,8% des parts de marché en 2021 bien qu’en 2023, elle (7,8%) fut déclassée par la Hollande (23,2%), la France (12,3%) et l’Inde (9,6%) selon le dernier rapport de l’Institut National de la Statistique sur le commerce extérieur du Cameroun. Dans le même ordre d’idées, elle demeure le premier fournisseur du Cameroun avec les importations estimées à 946,2 milliards de Fcfa en 2023, tout en ayant représenté entre 2000 et 2014, 67% soit 1 850 des 2 750 milliards de FCFA d’investissements directs étrangers capté par l’Etat du Cameroun, soutenant en conséquence et de manière substantielle sa marche vers l’émergence fixée à l’horizon 2035.

3- En tant que citoyen camerounais, rejoignez-vous le Très Honorable Cavaye Yeguie dans ces propos : « Le meilleur de cette coopération est à venir, nous avons foi à cet avenir, nous la croyons » ?

J’adhère entièrement à cette assertion au regard d’innombrables réalisations concrètes dans les secteurs du bâtiment et travaux publics, de la santé contribuant à améliorer les conditions de vie des populations locales, de la politique internationale à travers le soutien diplomatique chinois à la candidature de l’ancien Premier ministre Philémon Yang élu au poste du président de la 79ème session de l’Assemblée générale des Nations unies le jeudi 06 juin 2024, ou de l’économie, avec la présence du Cameroun dans la liste des pays devant bénéficier d’un taux de douanes zéro qui est entré en vigueur le 1er décembre 2024 pour ne citer que ces quelques exemples. Toutefois, il faudrait une certaine vigilance stratégique de la part de Yaoundé pour éviter qu’il soit un acteur passif de ladite coopération dans l’optique de se prémunir d’une situation “gagnant-gagnant moins” c’est-à-dire : qui apporte des bénéfices aux deux nations, mais qui perpétue la position périphérique du Cameroun.

4- Les camerounais parlent du transfert de technologie et bien d’autres choses. Pensez-vous aussi que le transfert de technologie est un manque crucial dans cette coopération ?

Il constitue l’autre grand chantier non pas seulement de la coopération sino-camerounaise, mais celle sino-africaine en général. Parce qu’il s’avère moins bénéfique pour la partie camerounaise d’avoir des ports, des parcs industriels, des centres de données et des édifices d’envergure bâtis à l’image du Palais Polyvalent des Sports de Yaoundé (PAPOSY) ou du nouveau palais de l’Assemblée Nationale du Cameroun si la maintenance demeure l’apanage des ingénieurs chinois. Cette réalité est onéreuse pour le contribuable de l’Etat bénéficiaire qu’est le Cameroun. C’est le pourquoi, malgré qu’il (transfert de technologie) soit inscrit dans les plans d’action du Forum sur la Coopération Sino-Africaine (FCSA), il revient au Cameroun ou à l’Afrique de trouver les stratégies efficaces pour son effectivité. Et l’une d’elles repose sur l’employabilité des étudiants africains ou camerounais qui sont allés se faire former en Chine ou coutumiers des normes chinoises lors de la réalisation des constructions d’intérêt commun aux parties chinoise et africaine sur le continent. Car au final, la technologie ne se transfère pas elle se vole.

 

 

Entretien mené par Gérard Njoya

 

 

 

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