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Dr Fabrice Onana Ntsa : « Pour l’émissaire du PCC, les bonnes intentions de Pékin pour Yaoundé n’ont jamais pris de rides et cette éventualité n’est pas envisageable »

Deuxième partie et fin de notre entretien avec l’Historien Fabrice Onana Ntsa sur l’ouverture officielle du nouveau palais de l’Assemblée nationale du Cameroun.

1- Quelle lecture faites-vous de ce fragment du discours prononcé par Zhang Qingwei, vice-président du Comité permanent de l’Assemblée populaire nationale de Chine, lors de l’inauguration du nouveau Palais de l’Assemblée nationale du Cameroun : « La partie chinoise continuera comme par le passé, de soutenir l’édification du Cameroun et travaillera avec la partie camerounaise pour le développement de cette coopération dans plusieurs domaines » ?

L’APN est un haut lieu de pouvoir en Chine. Créée en 1954 et composée actuellement de 2980 députés, son Président fait partie des sept personnalités les plus puissantes de Chine. C’est pour dire que Zhang Qingwei, Vice-Président du comité permanent de l’APN est une personne qui compte dans l’appareil politique chinois et ses mots sont chargés de sens. Justement, le fragment de son discours que vous mentionnez, contient en substance trois principes de la politique africaine de la Chine. D’abord l’amitié et la fraternité. Depuis le 26 mars 1971, la coopération Chine – Cameroun est une relation d’amitié, de fraternité et surtout de fidélité. Et pour l’émissaire du PCC, les bonnes intentions de Pékin pour Yaoundé n’ont jamais pris de rides et cette éventualité n’est pas envisageable. Tout le sens du proverbe chinois qui dit : ‘’c’est dans un long voyage qu’on voit la force du Cheval et c’est avec le temps qu’on connait le cœur d’un homme’’. Chinois et camerounais ont appris à se connaitre et le résonnement de leur amitié n’a d’égale que la foultitude des réalisations de part et d’autre. Ensuite, le pragmatisme chinois dans l’appui au développement. Loin des discours enivrant sur les droits de l’Homme, les libertés et la démocratie, très loin de la promotion de certaines pratiques contre natures, la Chine bâtit, réalise et construit. Enfin, la concertation permanente qui laisse transparaître les valeurs de respect et de dignité, tranchant ainsi avec les injonctions de toutes sortes qui ont été pendant longtemps le modèle utilisé en Afrique par certains partenaires. En un mot, le dignitaire du PCC rappelle que son pays, en concertation avec le Cameroun, reste aux côtés de ce dernier pour l’accompagner substantiellement dans sa marche vers le développement et le progrès.

2- De votre point de vue, qu’est-ce qu’il faut ajouter de plus dans la coopération Chine-Cameroun, Afrique-Chine, lorsque toutes les deux parties disent qu’elle brille ?

La relation que la Chine entretient avec le Cameroun s’inscrit dans le cadre large de la politique africaine de la Chine. Le débat autour de cette politique a aujourd’hui dépassé, me semble-t-il, l’interrogation sur ses particularités, ses spécificités tant leur clarté et leur pertinence s’imposent à tous. D’abord, le discours sino-africain est fraternel, amical et il a contribué grandement à restaurer la dignité de l’Afrique sur la scène internationale pour en faire finalement aujourd’hui la belle courtisée de la planète. Il y’a ensuite les faits de coopération qui pullulent dans les quatre coins du continent. Les diplomaties du béton et du chéquier de Pékin participent efficacement à la construction de l’Afrique. Il n’y a qu’à regarder autour de soi, partout sur le continent, pour s’en rendre compte. Et justement enfin, les populations s’en sont rendus compte et les réactions positives se multiplient à l’instar de celle vécue sur la colline de Ngoa Ekellé samedi dernier. En chine et en Afrique, le sino-afro optimisme gagne logiquement du terrain même si sous d’autres cieux et même en Afrique, la question reste un sujet assez controversé. Les tensions, la passion et les enjeux autour, témoignent en réalité de l’importante d’une alliance stratégique de rupture. Cependant, et vous le dites, la relation est perfectible comme toute œuvre humaine. Il faut jouer sur tous les leviers pour l’améliorer, la perfectionner.  Sur le plan économique dans un premier temps, il est judicieux de penser et de mettre en œuvre de réels mécanismes d’équilibrage de la balance commerciale qui reste grandement déficitaire pour les pays africains. Par ailleurs, dans le domaine infrastructurel, le transfert de technologies demeure une question qui dérange et qui laisse libre cours à toutes sortes de commentaires. Les autorités chinoises devraient davantage se pencher sur ce sujet sensible qui ternit à vrai dire, le sens de leurs actions en Afrique. Dans un second temps sur le plan socio-culturel, l’effectivité d’une communauté de destin pourrait être grippée par un peuple chinois visiblement méfiant et quasiment autarcique sur le sol africain. La dimension affective pourrait donc être renforcée à condition de voir les peuples chinois et africain, partout, communiquer, échanger, discuter véritablement et porter à l’unisson le beau refrain de l’hymne de l’amitié sino-africaine validé par les autorités des deux parties. Sur le plan politique enfin, il faudrait peut-être, pour les autorités de Zhongnanhai, mettre davantage un accent sur la sincérité de leurs actions en Afrique dans le souci d’apporter une réponse à ceux qui continuent de lire dans la projection africaine de la Chine, les signes discrètement éloquents d’un nouvel impérialisme. Un impérialisme plus nocif, plus pernicieux, pensent-ils. L’équilibrage de la balance commerciale, le transfert effectif de technologies, la désautarcisation du peuple chinois dans les villes africaines et l’accent sur la sincérité politique de Pékin en Afrique ; voilà de mon humble avis, une recette qui pourrait contribuer à perfectionner la merveilleuse relation Chine-Cameroun, Chine-Afrique en général.

Entretien mené par Gérard Njoya, journaliste à l’Actu Chine-Cameroon

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